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Alcoolisme, abstinence et sobriété
Alcoolisme, abstinence et sobriété

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     J’ai toujours été étonné de constater que ce ne sont pas tous les enfants d’une même famille gravement perturbée qui deviennent alcooliques ou toxicomanes, que certains parviennent effectivement à une adaptation autre que par le développement de cette problématique, sans compter les enfants de la résilience avec leur capacité fascinante de trouver leur salut dans les méandres de la destruction et parfois de la folie parentale. L’explication semble liée au fait que lors du passage à la puberté et à l’adolescence, les mécanismes de survie de certains parviennent avec une efficacité remarquable au développement d’une personnalité dont la dynamique perturbée permet l’élimination de la présence de ces mêmes affects douloureux, telles l’obsession compulsive, la compulsion, le perfectionnisme ou l’hypertrophie de la vie logique et son corollaire, l’hypotrophie de la vie affective, alors que tel n’est pas le cas pour l’alcoolique et du toxicomane qui demeurent plutôt emmurés dans leur souffrance. Cette réaction adaptative par la consommation dote cependant l'alcoolique et le toxicomane d’un avantage indéniable sur leur fratrie si l’on considère les différentes étapes du cheminement thérapeutique : l'accession à l’abstinence entraîne l’émergence rapide de leurs affects, alors que les autres perturbations de la personnalité doivent tout d’abord et avant tout subir leur effritement pour permettre ensuite l’accès ultérieur à leur vie affective.

     Un des premiers impacts de l’abstinence sera donc de reprendre le développement de la vie affective là où il avait été interrompu. L’alcoolique et le toxicomane auront donc pour ce faire à franchir trois étapes bien précises dans leur rétablissement : l’apprivoisement de la recrudescence des affects, c'est-à-dire apprendre à ressentir, leur identification, c'est-à-dire apprendre à identifier puis à nommer toutes les nuances de ce qui est ressenti et finalement leur utilisation dans un processus décisionnel maintenant respectueux de ce qui est ressenti à propos d’eux-mêmes, c'est-à-dire accéder à l'équilibre par l'adoption de comportements maintenant respectueux des affects. En d’autres mots, ils auront à inverser leur processus de vie pour retourner à la base de tout développement harmonieux avec soi, tel que prévu par la nature : de l’adoption d’une conduite efficace dans la fuite des affects, ils auront maintenant l’immense tâche de l’apprentissage de leur respect dans le processus décisionnel ainsi que dans le jugement maintenant conscient porté sur leurs façons d’être et d’agir. Au lien d'agir dans un but de fuir toute possibilité de ressentir, ils devront respecter ce qu'ils ressentent dans leur conduite.

     En ce qui concerne plus précisément cette première étape de la recrudescence des affects, l’abstinence permet en tout premier lieu l’émergence des peurs acquises tout au long du développement, telles la peur de faire confiance, la honte, le doute, le rejet, le ridicule et l’abandon, de même que la double conséquence de leur présence : la peur d’être soi et la négation de soi. Lorsqu’on envisage le processus de construction de l’alcoolisme et de la toxicomanie, il ne peut effectivement en être autrement : les observations indiquent que ces peurs et la colère, voire la rage qui y sont associées se sont lentement superposées à la liberté initiale et au pouvoir d’être soi. L’abstinence les conduit donc et obligatoirement au chemin à rebours, c'est-à-dire entrer tout d'abord en relation avec les peurs pour ensuite récupérer leur liberté et leur pouvoir d'être, puis développer leur pouvoir de se modifier eux-mêmes. Voilà probablement ce que signifie cette expression si chère au mouvement des AA, Affronte tes peurs.

Le passage de l’abstinence à la sobriété
     Je me rappelle ici un échange avec un membre du mouvement des Alcooliques Anonymes, lors d’une conférence de formation aux personnes oeuvrant dans le programme d’aide aux employés de la construction, à qui j’avais souligné en fin de discussion qu’il pourra qualifier sa démarche actuelle de sobriété lorsqu’il parviendra à l’affrontement de sa peur d’être ridiculisé et dominé, deux peurs acquises tout au long de son développement dans la dysfonction familiale, par le partage à sa conjointe ne serait-ce que de 20% de tout ce qu’il livrait de sa vie intérieure aux autres membres. Trois années plus tard, lors d’une autre conférence aux membres du mouvement, cette même personne m’aborde de nouveau pour me faire part que mes propos d’alors l’avaient fortement ébranlé et pour me partager la peur qui le paralysait toujours quant à ce partage du contenu de ses affects à sa conjointe; à ce titre, il ne se considérait maintenant plus sobre mais bien simplement abstinent. Ce membre du mouvement des Alcooliques Anonymes ne consommait plus depuis 17 ans et il était toujours confronté à l’emprise de peurs infantiles qui continuaient de gérer sa conduite depuis l’enfance.
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