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Dossier : L'enfant roi
Éléments d’interventions



Les parents ne doivent aucunement craindre l’imposition d’un cadre aux contours davantage serrés, voire rigides. Un excès de répression temporaire ne compromet nullement le développement de l’enfant; au contraire, un tel cadre a pour effet de le sécuriser et d'induire l’apprentissage obligatoire et essentiel pour l'équilibre de la peur des conséquences de certains comportements. J’ai d'ailleurs connu de nombreux adultes qui, en cours de processus thérapeutique et au fur et à mesure de leurs prises de conscience quant aux origines de leurs difficultés, reprochaient à leurs parents ce laxisme dont ils souffrent encore des conséquences. Il s'agit dans ce cas, vous l'aurez deviné, d'enfants rois anxieux.

Cette rigidité du cadre éducatif doit être impérativement maintenu dès qu'un changement de conduite apparaît; la raison tient au fait de la manipulation de ce type d'enfant et de sa tendance à se protéger ¨temporairement¨ des conséquences de ses comportements. En outre, plus l'enfant a dépassé l'âge de 4 ans, plus la période d'application du resserrement éducatif sera nécessairement longue; en d'autres termes, il existe une relation directement proportionnelle entre le retard accumulé depuis l'âge de 4 ans, d'une part, et d'autre part le temps requis pour le maintien du resserrement éducatif. La raison tient au fait que plus le temps avance, plus les caractéristiques dysfonctionelles de l'enfant roi prennent de l'ampleur et tendent à se crystalliser aux commandes de sa personnalité. Plus la rigidité est installée, plus le ¨marteau pilon¨ du cadre éducatif devra travailler à la fissurer.

Une fois qu'apparaissent les changements attendus et que le cadre a été maintenu au-delà de ces changements afin de contrer la manipulation et de permettre aux peurs des conséquences de coller à la personnalité et de conserver leur emprise permanente sur l'impulsivité, la troisième phase doit maintenant permettre le relâchement graduel du cadre afin de vérifier le degré ainsi que la qualité des mécanismes d’autocontrôle assimilés, processus essentiel à l'enclenchement du retour aux étapes de développement de la maturité et de la socialisation.

En général, il devient pratiquement impossible d’éliminer la déviance de la conduite de l’enfant roi dès son passage à la puberté et la raison en est fort simple : il s’agit d’une période de la vie où l’impulsivité connaît sa seconde phase d’amplification après la phase du 2 à 4 ans et le développement accéléré du corps ainsi que de la force physique qui l’accompagne deviennent de puissants alliés qui viennent non seulement soutenir la désorganisation mais également cimenter ce fonctionnement axé exclusivement sur l'impulsivité, le plaisir, la facilité et la satisfaction primaire des désirs. Tout retard à forcer le passage de l’impulsivité à l’autoprotection débouche donc et invariablement sur une puberté davantage difficile qu’à l’habituelle; des parents qui corrigent ainsi leur action éducative alors que leur enfant est âgé de 8 ans connaîtront malgré tout une puberté de beaucoup plus difficile que si de tels correctifs éducatifs sont apportés alors que leur enfant est âgé de seulement 6 ans, par exemple. Plus les interventions éducatives sont tardives, plus la probabilité de leur échec se rapproche de la certitude.

Au niveau des interventions de nature institutionnelle, les milieux pénitentiaires et rééducatifs bénéficient assurément de structures et de personnels compétents pour contrer les problèmes de comportements et induire des changements motivés à tout le moins par la peur des conséquences d'une nouvelle errance de la conduite, que cette dernière caractérise l'enfant, l'adolescent ou l'adulte rois. Il importe toutefois de souligner l'absence trop fréquente de cette distinction pourtant essentielle entre la problématique des enfants rois et celle des victimes de la répression éducative, tant ici au Québec qu'en France d'ailleurs, où des magistrats assistant à une de mes conférences à l'Université de Bordeaux sur l'anatomie de la délinquance confirmaient ne pas du tout tenir compte de cette distinction pour la simple raison qu'elle leur est inconnue. La répression, appliquée à tout vent et à toutes sauces sous prétexte d'induire la tranquillité sociale et le respect d'autrui nourrit alors une confusion malheureuse entre le conformisme et la soumission, renforçant l'interdiction de l'individualité et l’inhibition de soi, la méfiance et parfois la révolte chez les personnes victimes de répression depuis leur enfance.

En agissant de la sorte auprès d'eux, l'on applique de façon structurée une intervention dont la nature même est à l'origine de leurs difficultés : l'on réprime des enfants en fonction de difficultés elles-mêmes issues d'un abus répressif. Par contre, ce type d'intervention véhicule une probabilité élevée de succès pour l'enfant roi, compte tenu de ses conséquences probables et souhaitées sur le passage de l'impulsivité aux stades de l'autoprotection puis du conformisme. Dans un tel succès, il ne restera à l'enfant, l'adolescent ou l'adulte qu'à poursuivre sa croissance vers les stades ultérieurs de maturation conduisant à la conscience de soi et à l'intégrité.

Quant au milieu scolaire, il n'est nullement armé pour « briser » cette rigidité de l’enfant roi, ce qui n’est d’ailleurs pas son mandat. Il est plutôt acculé à sa tolérance intramurale ou à son placement dans des voies d’évitement en attendant le plus souvent son abandon scolaire, au grand soulagement d'un corps enseignant qui, de plus en plus épuisé, trouve un réconfort factice dans une consommation grandissante d'antidépresseurs ou un soulagement temporaire dans un congé de maladie. Qu’à cela ne tienne, toute intervention auprès d’un enfant roi doit générer un déplaisir tel que c’est le degré insupportable des conséquences qui assurera maintenant son passage jusque-là retardé de l’impulsivité à l’autoprotection, puis son évolution vers les stades ultérieurs de la maturation, du moins pour certains d’entre eux.

Gilbert Richer Psychologue
Avril 2004



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